Pour un accueil digne en faveur des mineur-e-s non accompagné-e-s
Les mineur-e-s non accompagné-e-s (MNA) sont avant tout des enfants et des jeunes qui devraient être traités en tant que tels. Selon le principe de non-discrimination, ils sont en droit de bénéficier d’une prise en charge et d’un hébergement similaires à ceux dont jouissent, en Suisse, les enfants et les jeunes placés hors du foyer familial.
Un hébergement adapté aux besoins spécifiques des MNA, un éventail de mesures de protection et un encadrement respectueux de l’intérêt supérieur de l’enfant ou du/de la jeune doivent être garantis par l’Etat, débiteur des obligations légales découlant de ses engagements en vertu des instruments de droit national et international, dont notamment la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE). De telles prescriptions ne peuvent être respectées que si l’offre d’hébergement est suffisamment importante et le taux d’encadrement élevé, de manière similaire à ce qui est assuré dans les dispositions d’exécution cantonales de l’Ordonnance sur le placement d’enfants pour les foyers pour enfants ou pour jeunes.
Or, actuellement, des postes d’éducateurs/trices sont supprimés, des foyers fermés et les conditions d’accueil des MNA dans ces lieux s’avèrent largement en-dessous des normes en vigueur. Les dotations sont de plus insuffisantes et la surveillance des MNA - non respectueuse des spécificités dues au genre - est assurée par des agents de sociétés de sécurité privées, ce qui bafoue également les droits humains puisque les mesures disciplinaires et de sanction ne peuvent faire l’objet de recours pour contester la légalité de la décision administrative/disciplinaire. Ceci mène à une privation du droit au recours effectif contre des actes violant les droits humains fondamentaux, un droit pourtant consacré par l’art. 13 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).
L’ADEM rappelle à cette occasion qu’un environnement sécurisant et respectueux des droits de l’enfant ne peut être garanti qu’à travers un encadrement quotidien continu (durant toute la journée et tous les jours de la semaine), assuré par un personnel formé au niveau socio-pédagogique ou au bénéfice d’une formation équivalente. Ces personnes soutiennent les enfant ou jeunes migrant-e-s à travers une planification journalière adaptée à leur âge (insertion sociale, autonomie, prise en compte de besoins spécifiques et immédiats, accompagnement scolaire, accès aux loisirs, aux jeux et au repos, ainsi que participation à des activités culturelles et sportives). Un soutien en matière d’asile et de migration doit conjointement être assuré, à travers notamment des conseils sur la procédure d’asile, des recherches de solutions transitoires et de solutions durables ou encore une attention portée sur les besoins d’interprétariat communautaire et de médiation interculturelle.
Les personnes encadrant les MNA assument de plus un rôle fondamental au niveau de l’accès aux soins médicaux et de la prise en charge psychologique en cas de détection de traumatismes (voir à ce sujet les résolutions de la Conférence nationale 2017 « Surmonter un traumatisme: quelles perspectives pour les enfants et jeunes migrants? », rédigées par l’ADEM, la Croix-Rouge suisse et Support for torture victims). Ils sont les garants de la mise en place de perspectives d’avenir avec l’enfant ou le/la jeune (motivations, ressources et potentiel, formulation d’un but).
Afin de préserver des relations sociales de qualité et de faire perdurer le lien de confiance, il est indispensable de mettre à disposition des MNA un lieu de séjour conforme aux standards requis. Comme le rappelle les recommandations de la CDAS : « [l]e passage à la majorité est un événement crucial pour les MNA. La plupart des jeunes ont encore besoin d’un soutien après être entrés dans leur 19ème année. Il faut donc pouvoir mettre en place des prestations d’encadrement permettant un certain suivi socio-pédagogique des MNA. Celles-ci doivent pouvoir se prolonger au-delà de la majorité, jusqu’au moment où le-la jeune a achevé une première formation et acquis les capacités nécessaires pour mener une vie autonome. […] Cette transition accompagnée doit s’adapter au degré de développement et aux besoins individuels des jeunes gens concernés » (§ 14, p. 39). Ces mesures permettent ainsi d’éviter que lors du passage à la majorité, ces jeunes se retrouvent non accompagnés dans la conception de leur projet de vie et par conséquent, de réduire les risques d’enrôlement dans les réseaux de trafics illégaux et filières criminelles.
Il s’avère enfin essentiel de souligner l’importance de la séparation entre les MNA et les adultes dans les lieux d’hébergement, sauf lorsque celle-ci s’avère contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ou du/de la jeune. Dans les cas d’exception où, sur la base de motifs valables et ce de manière temporaire, les MNA devaient tout de même être logés en dehors des structures spécialisées, l’ADEM préconise de le faire dans des espaces « time-out » socio-pédagogiques traditionnels. Si une telle option devait être elle-aussi inenvisageable en raison de place indisponible dans un délai raisonnable, le logement des MNA doit alors avoir lieu dans des centres pour familles, dans un secteur qui leur est réservé, séparé des adultes et garantissant un accompagnement socio-pédagogique par du personnel formé qui dispose de ressources suffisantes. De tels placements effectués en dehors des structures spécialisées pour MNA ne doivent cependant en aucun cas mener à l’exclusion progressive des jeunes et restent des mesures de dernier ressort.
L’ADEM espère que des solutions durables pourront être trouvées afin de faire perdurer une prise en charge et un hébergement adéquats des MNA dans le canton de Vaud, conformément aux recommandations de la CDAS et à la CDE.
Elle encourage vivement la poursuite du dialogue entre le syndicat des services publics (SSP)-Vaud, l'EVAM et le Conseil d'Etat dans la recherche de solutions respectueuses des droits des MNA et qui prennent en considération les revendications des personnels des foyers pour MNA.